Marion Sellenet, lauréate du Prix Émergence – Ville de Nantes et participante du Parcours d’Auteur·rice·s en 2020, vient de recevoir une Etoile de la SCAM pour son documentaire « Marion ou la métamorphose » co-réalisé avec Laëtitia Moreau et diffusé sur Arte et sur la RTBF. L’occasion de prendre quelques nouvelles.
1/ Peux-tu nous raconter la genèse de ton film et son parcours jusqu’à aujourd’hui?
Alors, c’est toujours une longue histoire celle de l’existence d’un film !
L’envie de faire ce film est arrivé à un moment particulier de ma vie : en rencontrant Vincent qui avait la même myopathie que moi, nommée la FSHD, j’ai découvert une autre façon de regarder et de vivre la maladie. C’est sa rencontre qui a motivé le désir de film. Par ailleurs, j’ai toujours regardé beaucoup de documentaires grâce à mes parents et à ma formation artistique, et j’adore ce medium qui m’ouvre mille fenêtres sur le monde auxquelles je n’aurai pas accès autrement. Bien que n’ayant jamais travaillé à la réalisation, c’est un milieu qui me semblait assez ouvert par nature. Le reste est une suite de rencontres, d’affinités, de chance, de hasard et de travail.
Une chère amie habitant à Nantes m’a donné le contact d’une photographe qui avait aussi un projet de film. Elle venait de faire le Parcours d’Auteur·rice·s et a pris le temps de parler avec moi et m’a donné confiance pour candidater. Car je pensais qu’il fallait avoir nécessairement un CV de réalisateur. Le Parcours d’Auteur·rice·s m’a ensuite permis de développer fortement mon projet, de comprendre l’écosystème du milieu, et je suis ressortie de là avec un dossier tout prêt à envoyer à des producteurs. J’ai demandé de l’aide à Occitanie Films, région où je voulais tourner une partie du film, afin de cibler quelques maisons de production. Et cela a marché. Celui qui est devenu mon producteur s’est logiquement associé à des producteurs belges, mon pays de résidence. Il avait beaucoup aimé le récit, l’écriture et l’univers graphique des collages, mais il ne voyait pas le film. Il avait raison et m’a proposé de collaborer avec un.e autre autrice. J’étais d’accord car je ne me sentais pas de porter un moyen-métrage toute seule en étant produite par une maison de production de cette envergure. C’est lui qui m’a fait rencontrer Laëtitia Moreau, une autrice expérimentée. Plusieurs options de collaboration s’offraient à Laëtitia et moi, et nous avons choisi d’écrire et réaliser ensemble. Pour moi, c’était vraiment important de rester aux manettes, garder le cap et les subtilités du sens que je souhaitais faire passer, éviter les écueils sur la maladie, ce que personne n’aurait pu faire à ma place. Le moteur de notre duo a été la beauté, l’art, l’émotion, la fantaisie, l’humour. On a gardé des ingrédients essentiels du projet de départ mais un nouveau film s’est écrit. C’est dans cette relation de confiance que j’ai été poussée à me dévoiler beaucoup plus que je n’avais prévu au départ. Nous avons fonctionné dans un jeu de ping pong tout le long du processus. Laëtitia, avec sa grande expérience, son intuition et sa créativité, a été force de propositions, et j’ai pu rebondir. Elle a su tendre l’arc narratif et émotionnel de l’histoire, et a amené le dispositif de reconstitution du réel via des saynettes complètement géniales et déjantées. Je pense qu’elle a rendu ce film très universel. Depuis sa naissance, ce projet a suscité de l’enthousiasme, et les étoiles se sont alignées pour lui offrir un parcours de financements assez exemplaire je dois dire. Nous avons été extrêmement bien été entourée par une magnifique équipe, et la fabrication du film a été pour moi un moment magique et inoubliable. Pour conclure rapidement, la diffusion du film à l’occasion de sa sortie sur Arte mais également les projections principalement organisées en Belgique, a provoqué une salve de témoignages de remerciements, souvent de personnes atteintes de maladies diverses et variées. Je constate que ce film a fait du bien à pas mal de monde. La communauté FSH s’en saisit très bien à travers toute l’Europe, et au-delà grâce à la version anglaise. J’espère que cela va continuer !

2/ Tu as bénéficié de la formation Parcours d’Auteur·trice·s proposée par Le Pôle cinéma audiovisuel des Pays de la Loire – La Plateforme, puis tu as été lauréate de la Bourse Emergence – Ville de Nantes en 2020. Qu’est-ce que cet accompagnement dans l’écriture filmique t‘a apporté ?
Comme je le disais précédemment, j’avais le projet de faire un documentaire focalisé sur la personne de Vincent. Je ne pensais pas faire partie intégrante du film. Mais au fil des discussions avec les auteurices et ma tutrice Anna Feillou, j’ai ajouté d’autres personnages, jusqu’à me rendre compte que ce qui était au cœur de cette histoire, et ce qui était intéressant pour le spectateur, c’était le changement que la rencontre avait provoqué en moi.
Et c’était juste, je ne le captais pas bien à ce moment là, mais je pense que c’est une profonde émotion que j’avais envie de retranscrire et partager, une émotion ressentie en regardant ma propre transformation avec un peu de hauteur. Je pense que Laëtitia a également ressenti cette émotion à la lecture de mon récit, et m’a aidé à porter cela à l’écran. Au fil du Parcours, la caméra s’est donc retournée de plus en plus vers moi et j’ai pris une place prépondérante, via mon apparition à l’écran comme personnage, et via la voix off. L’accompagnement était d’une grande finesse et avec bienveillance, que ce soit de la part de la tutrice et de mes collègues, avec qui j’ai gardé de très bons contacts. L’aspect humain du Parcours a autorisé cela. Le Parcours a été déterminant pour ce film et m’a grandement outillé que ce soit d’un point de vue artistique ou sur les aspects de production, et je pense tout simplement et sincèrement qu’il n’aurait pas existé sans cette formation.

3/ Recevoir une Etoile de la SCAM est une belle reconnaissance. Que représente pour toi cette distinction ? Quels impacts pour le film?
Quand j’ai découvert le palmarès, j’étais surprise que les sept films que je connaissais déjà étaient tous des films qui m’avaient profondément marquée ces derniers temps, de véritables pépites. Je suis heureuse que notre film soient au côté de ces si belles œuvres ! A mon avis, ma sensibilité artistique doit avoir le même ADN que celle du jury ! J’ai hâte de découvrir tous les films que je ne connais pas encore. Cette reconnaissance par la Scam, et donc par des pairs, est quelque chose d’important car on se sent appartenir à une famille.
Je n’ai pas fait ce film pour recevoir des prix, mais évidemment, la reconnaissance est toujours quelque chose d’agréable pour une autrice, surtout quand on a investi autant de temps et d’énergie, et qu’on a mis tant de cœur dans un film. Et surtout cela aide considérablement pour les futurs projets ! Je suis aussi heureuse pour Laëtitia qui mérite grandement ce prix.
Je suis sûre que cela va donner de la visibilité au film, et permettre d’allonger encore un peu sa période de diffusion, car c’est toujours ce qui pêche un peu.
4/ Une actu, une info à partager?
Le film est actuellement en VOD : https://vimeo.com/ondemand/marionoulametamorphose
+ version sous-titrée en anglais : https://vimeo.com/ondemand/marionorthemetamorphosis
Sinon, venez le voir à Paris lors du festival Vrai de Vrai en novembre prochain !
Concernant un autre projet et dans un tout autre registre graphique, j’ai développé l’univers visuel du court-métrage « La Question » d’Alberto Segre qui sortira à la fin de l’année. Cela parle de l’histoire du livre « La Question » d’Henri Alleg, et à travers cela, de la guerre d’Algérie.