À l’occasion de la projection de son dernier court-métrage Le Petit Photographe, le vendredi 29 août au cinéma Les 400 Coups à Angers, dans le cadre de l’Estival de Premiers Plans, nous avons rencontré Vincent Malaisé, réalisateur angevin et adhérent de La Plateforme.
Peux-tu nous raconter ton parcours jusqu’à aujourd’hui ? Comment en es-tu venu à la réalisation ?
J’ai toujours été passionné par le cinéma, mais il y a un véritable fossé entre le regard de cinéphile et le passage à la réalisation. Avant de me lancer dans cette voie, j’ai eu une première vie professionnelle très différente qui m’a mené aux quatre coins du monde, Japon, Nouvelle-Calédonie et m’a amené à exercer des fonctions variées. J’ai terminé ce parcours dans un service de l’État dédié aux renseignements, à Angers.
Toujours en activité à l’époque, sans formation dans le domaine, sans réseau ni producteur à mes côtés, j’ai voulu réaliser des films. Faute de trouver une structure pour me former, j’ai décidé de la créer moi-même. C’est ainsi qu’est née il y a dix ans l’association angevine Court&49 Production. Elle m’a permis de faire mes premiers pas, de tourner mes premiers films en auto-production. L’association existe toujours aujourd’hui, je la co-préside, et nous continuons à mettre la mutualisation des moyens humains, techniques, artistiques au cœur de notre fonctionnement. L’an dernier, nous avons vendu notre premier film à Ciné+, une belle étape pour nous.
Mes projets de cinéma prenant de plus en plus d’ampleur, et ne me sentant plus à ma place dans mon métier initial, j’ai fait le choix de démissionner. J’ai ensuite entamé une reconversion professionnelle en passant six mois à La Post (société de postproduction basée à Angers), avant de devenir intermittent. Je travaille aujourd’hui principalement comme directeur de production ou régisseur général sur des courts-métrages, et en régie sur des longs.
Et donc j’ecris et réalise, l’un de mes films, La Dormance, a connu un beau parcours en festivals. Il m’a permis de rencontrer Alexandra Leduc, de Sorbet Films, qui m’accompagne désormais et qui m’a notamment produit sur Le Petit Photographe.
Comment est né Le Petit Photographe ? Quelle est la genèse du projet ?
Ce film fait partie intégrante de mon parcours personnel. Il est né il y a quatre ans, au moment de mon emménagement dans le quartier. J’y ai découvert un environnement populaire, coloré, vivant, profondément humain. Ce lieu m’a inspiré, j’ai ressenti le besoin d’en parler, de le faire exister à l’écran. Le quartier est ainsi devenu la toile de fond du scénario.
Par ailleurs, une petite blessure liée à mon propre rapport au cinéma et plus précisément à mon père a nourri l’écriture. Il y avait entre nous un différend autour de mon désir de faire du cinéma à l’adolescence. Ce conflit, mêlé à la question de la transmission, a trouvé une résonance dans l’objet de l’appareil photo, devenu central dans le film. Le Petit Photographe est donc né à la croisée d’un territoire et d’une mémoire intime.
Comment s’est passé le tournage ? Des anecdotes ou défis particuliers ?
Le tournage s’est très bien passé, si l’on met de côté une petite mésaventure avec une carte mémoire que je préfère oublier, haha. Le film a été tourné à moins d’un kilomètre de chez moi, dans mon quartier. C’était une volonté forte : tourner en proximité, dans un environnement que je connais et qui m’inspire.
L’équipe technique était composée d’une grosse vingtaine de personnes, toutes issues du territoire angevin et de la région. C’était important pour moi de travailler en local, sans déplacement ou presque. Cela a donné au projet une cohérence humaine et logistique précieuse.
Le véritable défi de ce tournage, pour moi, a été de franchir un cap. Jusqu’ici, mes films m’avaient surtout permis d’apprendre, de comprendre le langage du cinéma en le pratiquant. Avec Le Petit Photographe, il s’agissait d’aller plus loin, d’assumer pleinement une vision artistique, de porter un regard de réalisateur sur un scénario que j’avais écrit. Bien sûr, on continue d’apprendre à chaque film, mais celui-ci marque pour moi un tournant.

Comment perçois-tu la présentation de ton film dans une sélection de courts-métrages ligériens par l’Estival de Premiers Plans ?
Au-delà de l’opportunité précieuse que représente cette belle fenêtre de visibilité sur le film et sur mon travail, je le vis avant tout comme une forme de reconnaissance. Être aujourd’hui programmé à l’Estival de Premiers Plans, après tant d’années de travail, de doutes, de tournages souvent autoproduits, c’est un vrai cadeau.
J’ai longtemps été dans les rangs du public, notamment lors des séances des “films d’ici”, en me disant que peut-être, un jour, j’y aurais ma place. Alors forcément, y être aujourd’hui, c’est quelque chose de fort.
En tant qu’Angevin d’origine, que représente pour toi le fait de projeter ton film à Angers ?
Au-delà de ma petite fierté personnelle, je suis très heureux de pouvoir montrer qu’à Angers aussi, on sait faire du cinéma et accueillir des tournages. C’est une façon de mettre en lumière un territoire souvent oublié dans la dynamique régionale. Entre Nantes, où tout semble se concentrer, et Le Mans, qui capte le reste des productions, Angers reste encore un peu à la marge.
Pourtant, il y a ici des technicien·nes talentueux·ses, des équipes motivées, des lieux magnifiques… mais peu d’opportunités de travail à l’échelle locale. Alors oui, c’est une petite victoire pour moi de présenter à Angers, dans le cadre de Premiers Plans, un film tourné ici, pensé ici, avec des professionnel·les d’ici. Un vrai film “made in Angers”.

Tu es adhérent de La Plateforme. Quel rôle joue cette association dans ton parcours de professionnel du cinéma ?
La Plateforme joue, à mes yeux, un rôle essentiel dans l’écosystème du cinéma en Pays de la Loire, et peut-être encore plus aujourd’hui, dans une période où les repères se fragilisent. Pour ma part, elle a été une ressource précieuse à plusieurs moments de mon parcours. Je la remercie d’ailleurs.
Elle m’a permis de créer du lien, de sortir de l’isolement quand j’en avais besoin. Le scénario du Petit Photographe a d’ailleurs été lu à deux reprises dans le cadre du Bureau des auteurs : une première fois lors de l’atelier retours, puis lors de l’atelier de lecture à voix haute. Ces temps d’échange ont été précieux. Ils m’ont aidé à avancer dans l’écriture, à garder confiance dans le projet, à rester en mouvement, malgré les longues périodes de doute que connaît tout auteur seul derrière son écran. Bref, un vrai coup de pouce au bon moment.
Quels sont tes projets à venir ?
Je veux faire avancer un projet qui me tient particulièrement à cœur, intitulé Source humaine. Il s’agit d’un film que j’envisage aussi bien sous forme de court que de long métrage. Le scénario a déjà reçu de belles reconnaissances : lauréat de la résidence d’écriture La Ruche, il a aussi été finaliste du concours de scénario du Festival européen de Lille avec plus de 400 dépots au départ. Avec Alexandra, qui m’accompagne à la production, nous recherchons actuellement une coproduction pour aller plus loin.
Le film explore la relation complexe entre un policier et sa source. Voici le pitch : En échange de la promesse de l’obtention d’un visa, Yvan reçoit par Andrei, jeune immigré moldave, des informations sur un groupe radical d’extrême droite qui semble préparer une action violente.
Je suis par ailleurs accompagné par Cinq de Trèfle Production, à Paris, avec qui nous préparons un dépôt au CNC à la rentrée pour un court métrage intitulé Article soixante-deux deux.
Voici le synopsis : Stéphane, un jeune gendarme, se voit confier pendant les 48 heures d’une garde à vue, la surveillance de Mélanie, tout juste arrêtée pour un petit trafic de stupéfiants. Durant ces heures suspendues, une inattendue intimité se tisse entre eux.
Voici le synopsis : Stéphane, un jeune gendarme, se voit confier pendant les 48 heures d’une garde à vue, la surveillance de Mélanie, tout juste arrêtée pour un petit trafic de stupéfiants. Durant ces heures suspendues, une inattendue intimité se tisse entre eux.
Et enfin, je travaille également sur un projet de long métrage intitulé Crânes rasés, un biopic inspiré d’une histoire vraie et incroyable de rédemption. Le parcours d’un homme passé de la violence la plus extrême à une forme de sagesse intérieure rare et spirituelle. Un film sur la transformation profonde, que j’espère passionnant et percutant.
Chacun de ces projets s’inscrit dans une même ligne : un cinéma ancré dans le réel, traversé de tensions politiques, de dilemmes intimes et de zones grises morales, des territoires que j’ai profondément à cœur d’explorer et de questionner à travers mes films.
Un conseil à donner à de jeunes réalisateurs ou réalisatrices de la région ?
Un conseil un peu classique mais fondamental : y croire, et ne rien lâcher. Mais au-delà de cette formule un peu convenue, je dirais surtout de ne pas attendre ! Ne pas attendre qu’on vous donne l’autorisation de faire, qu’un producteur vous repère ou qu’une aide tombe du ciel. Il faut se mettre en mouvement. Faire, même avec peu, même imparfaitement. Une chanson d’Orelsan dit qu’il suffit d’avoir un truc qui filme pour faire des films, c’est assez vrai. Le cinéma commence souvent là, dans l’élan, dans l’envie, dans le geste.